Localisée dans la région viticole du Beaujolais (Est de la France), la Morcille est soumise à une pression viticole forte conduisant à la contamination de la rivière par une gamme d'herbicides et de fongicides. L'objectif de cette étude est d'utiliser des extraits d'échantillonneurs passifs pour mettre en évidence les effets de mélanges réalistes de pesticides sur des biofilms naturels avec des antécédents d'exposition diversifiés. Les impacts chroniques et aigus des pesticides en mélange sur les biofilms ont été évalués à l'aide d'extraits de POCIS (Polar Organic Chemical Integrative Samplers) préalablement immergés à l'aval du cours d'eau (site le plus contaminé). Leurs effets sur des communautés issues de l'amont (site de référence) et de l'aval (contaminé) ont été étudiés en canaux artificiels, dans lesquels les biofilms ont été placés dans des conditions non contaminées pendant 13 jours, ou exposés à des extraits de POCIS afin de reproduire une pression toxique réaliste (observée in situ). Après 13 jours d'exposition, des impacts significatifs de la contamination ont été observés sur les paramètres liés à la biomasse, à la croissance et à la physiologie des biofilms. Une diminution significative de la densité de diatomées a été observée pour les biofilms exposés, par rapport aux témoins, quelle que soit l'origine du biofilm. Les analyses taxonomiques ont révélé des impacts des mélange de pesticides sur la composition des diatomées, la structure des communautés amont divergeant avec l'exposition ou non (avec des abondances accrues de Nitzschia palea et Eolimna minima pour la modalité contaminée). Les communautés aval, exposées ou non, se sont avérées présenter une composition, soulignant l'importance des processus d'immigration dans la récupération des assemblages de diatomées. Afin d'évaluer la tolérance initiale de biofilms au mélange de pesticides, des tests de toxicité aiguë ont été réalisés en début d'expérience, révélant une tolérance nettement plus élevée des biofilms originaires du site en aval, par rapport aux biofilms amont. Cette différence de tolérance aux extraits d'échantillonneurs passifs peut s'expliquer par les compositions taxonomiques très différentes selon l'origine du biofilm, elle reflète l'adaptation des communautés par les processus de sélection des espèces et illustre le concept PICT (Blanck et al, 1988.). Nos résultats soulignent des effets des mélange de pesticides marqués sur la croissance du biofilm, la composition diatomique, et sur la tolérance des biofilms naturels aux facteurs auxquels ils sont exposés. Cette étude met en évidence l'utilisation potentielle des extraits d'échantillonneurs passifs, combinés avec des tests de toxicité aiguë, pour l'expérimentation des impacts d'expositions chroniques plus réalistes sur les biofilms naturels, et offre des perspectives d'applications prometteuses pour l'évaluation du risque écologique lié aux pesticides.